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19 avril 2012 4 19 /04 /avril /2012 10:17

La « nouvelle » moto de Black (1)


« Mais qu'est-ce-qu'il fout ? » Je me répétais sans cesse cette question, ne voyant pas venir Paul Lenoir, mon camarade de stage à Alissas, où nous arrivions, en ces quatre semaines, chez un maître d'application, juste avant la rentrée des élèves. Ce matin là il était il était 8 heures 10 et Paul n'arrivait pas ! Sa moto et moi l'attendions... et j'envisageais avec effroi une descente vers Alissas avec beaucoup de tournants que Paul prenait avec beaucoup d'adresse et grande vitesse ; habituellement j'entendais, tandis que je me cramponnais sur le tansad « Penche à gauche ! » puis « Penche à droite !... »

Enfin, vers le quart, Paul arrive en maugréant comme d'habitude ; il redresse son engin, quelques coups sur le kick (2) et... rien ne vient ! On vérifie l'arrivée d'essence : tout va bien ! Sauf que la moto ne veut pas donner de signe de vie... Nous nous préparons à aller chez le directeur pour expliquer notre affaire… quand, soudain Paul aperçoit à côté de la sienne la moto toute neuve de Monsieur Bozon !
Ceux qui n'ont pas connu ce génial professeur d'Hisoire-Géographie ne peuvent imaginer notre émoi, notre stupeur – que dis-je, notre incompréhension lorsque nous avions appris qu'il avait fait l'acquisition d'un tel engin. Pensez que deux ans auparavant il avait raté l'entrée de l'E.N à  bicyclette, le portail (2,75 m) largement ouvert !

La réflexion fut rapide et la décision unanime : Paul prend la moto du prof et, à pied, presque en catimini, nous traversons la grande cour. Personne. Les première, deuxième et troisième années sont en classe. Reste à  parcourir la cour d'honneur, celle par laquelle passent tous les professeurs pour se rendre à la salle qui leur est réservée. Il y a une chance sur x (3)pour que Bozon entre ou sorte par là...
Eh bien cette chance, ou plutôt cette malchance, arriva :  Bozon était dans l'encadrement de la porte !
Après un rapide « Bonjour Monsieur ! », nous nous préparons à nous arrêter pour nous expliquer... Mais avec un beau sourire Bozon dit : « Alors Paul, on a acheté une nouvelle moto ? » Paul balbutia un vague « Oui Monsieur » et je lui dis « Allez camarade, nous sommes pressés » et me tournant vers Bozon « Au revoir Monsieur ! »


Une fois rapidement hors de l'E.N, Paul met en marche le bolide qui démarre aussitôt.

Je ne sais plus si nous étions fort en retard en arrivant à Alissas mais  nous sommes allés nous excuser auprès du Directeur de l'école. « Vous comprenez, avec une moto neuve dont on n'a pas l'habitude... »


moto2.jpgMoto Java 175 cc (1950) 


La « nouvelle » moto de Black nous a servi pendant huit jour sans que son véritable propriétaire s'en aperçoive. Pendant le week-end Paul répara sa machine et tout rentra dans l'ordre ! Qu'aurions nous dit si en traversant la cour d'honneur nous étions à nouveau tombés nez à nez avec Bozon ?
Je ne sais, mais ce que je sais c'est que cette histoire a fait le tour de tous les élèves-maîtres sans qu'aucun prof ni membre de l'administration ne l'apprenne.

Ni la probabilité d'accident, ni le fait que nous avions commis un vol momentané n'ont affleuré notre pensée. Nous avions alors vingt ans... Ah jeunesse !

M.H MICHELAS Promo 1951-55

 

 



Notes :


1 -  Black C'est ainsi que nous appelions notre camarade Paul Lenoir.
   

2 - Kick  (pour Kick-starter) : dispositif de démarrage d'un moteur de moto à l'aide du pied. 

 

3 - x : nombre inconnu pouvant être très supérieur à 1000 mais jamais inférieur à zéro.

 

L'image : Ce n'est certainement pas la moto de Black, mais cela donne une idée du genre de machine à laquelle on pouvait rêver en ce temps là.

 




 


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26 mars 2007 1 26 /03 /mars /2007 09:39


"Le Royal Bouring"

 


Le Royal Bouring était un sport qui se pratiquait dans les dortoirs de notre E. N., dans les années 52-53-54...), certains soirs, au moment du coucher, pendant la petite demi-heure ( 20 min. ?) qui précédait l'extinction des feux.

 
Nos quatre dortoirs, un pour chaque promo, disposés en enfilade, communiquaient entre eux par de larges portes qui restaient habituellement fermées. Chaque dortoir avait sa vie propre et si un 1ere Année était amené à traverser celui, voisin, des 2ème Année, ce n'était pas sans une certaine appréhension.
 

Mais ces soirs-là...


 

Le Royal Bouring tenait à la fois du football et du rugby (la soule ?) mais se caractérisait d'abord, par une absence rigoureuse de règles. Pas d'arbitre donc. Tous les coups étaient permis. La balle, objet de toutes les convoitises, était une sorte de pelote constituée par 2 paires de chaussettes solidement nouées entre elles. Il s'agissait pour chaque équipe, d'emmener le « trophée » le plus loin possible à l'intérieur du camp adverse.

 

Les matches opposaient 2 équipes « naturelles » (1ere Année contre 2ème Année le plus souvent). On se donnait alors une bonne raison d'en découdre (l'honneur de la promo, pardi !) et les hostilités pouvaient commencer.

 

La préparation du terrain se réduisait à peu de choses : les lits constituaient des obstacles naturels qui avaient une importance stratégique non négligeable dans la progression , il serait plus juste de parler de ruée, de l'une ou l'autre équipe. Certains avaient été repoussés le long des murs pour dégager le terrain de jeu ; les autres pouvaient servir de boucliers ou d'abris naturels, dessus pour les voltigeurs, dessous pour les « rampants ». Ainsi certains lits, au gré de la mêlée, se retrouvaient parfois fort éloignés de leur emplacement habituel.

 

Le parquet de lames grossières, astiqué tous les matins1 par les « jeunes gens » de corvée, s'il contrariait les démarrages fulgurants, favorisait les glissades de toutes sortes. C'est ainsi que certains se retrouvaient tout à coup sur leur séant, victimes d'un balayage en règle, comme dans un jeu de quilles.

 

La tenue ? Le pyjama bien sûr, dont la veste était parfois délaissée au profit du seul « tricot de peau » (le « Marcel ») afin de déjouer plus aisément les tirages de toutes sortes.

 

Les joueurs évoluaient ainsi pieds nus dans de grosses chaussettes remontant le plus haut possible, en guise de protège-tibias, sur les jambes du pyjama

 

Nulle aptitude particulière n'étant requise, chacun pouvait participer et donner libre cours à son humeur du moment. Bousculades, glissades, crocs en jambes, coups tordus, plongeons sur et sous les lits étaient des figures d'école. Invectives diverses, fanfaronnades venaient égayer la partie et galvaniser nos énergies.


 
 
Parfois nos ébats étaient brutalement interrompus par une apparition qui se détachait telle un fantôme dans l'encadrement de la porte de la salle d'eau

« Tus ! Tus ! ... le Fayot ! ... »

 

Les sourcils froncés, l'oeil pétillant mais les lèvres pincées, Monsieur Gibal notre Econome contemplait d'un air sévère le champ de bataille ravagé, les impétueux guerriers cloués au sol ou figés dans l'attitude même de l'action. Le vacarme et les cris avaient fait place à un silence pesant et ... contrit.

 
 

Car, le premier moment de stupeur passé, les visages des combattants avaient retrouvé leur candeur juvénile et reflétaient une docilité hypocrite dont personne n'était dupe et qui faisait sans doute la jubilation intérieure de notre bon Monsieur Gibal...
A pas feutrés, et à reculons certains ébauchaient déjà quelques pas précautionneux vers l'emplacement supposé de leur lit.

 

Nos punitions ne furent jamais bien lourdes.


 

Comme pour d'autres sports, Le Royal Bouring eut ses Stars et il faudrait, pour être complet évoquer quelques unes de ces grandes figures qui s'illustrèrent dans ces joutes fratricides.

 

D'aucuns se souviennent sans doute du jeté de hanche redoutable d'André Maurier ou encore de la tactique dite du « bulldozer » mise au point par un certain Souche (Elie), et vulgarisée ensuite par notre joyeux Roland D'Asperjoc, dit "la Force". Mais les chevaux légers avaient aussi de farouches adeptes. Il y avait les petits fûtés, hé ! hé ! ..Ponpon ! Peter !.. les plus « sournois » hum ! hum ! n'est-ce pas Mickey ? n'est-ce pas Besson ? Nous avions aussi dans la promo 52-56 en la personne de Valéry Valette un Monsieur MUSCLE qui n'hésitait pas à user fréquemment de l'intimidation en prenant des poses avantageuses. Quant à notre vénéré Chef de classe, notre intellectuel, bouliste invétéré néanmoins, il faisait preuve les soirs de rencontre, d'une discrétion remarquable, s'attardant plus que nécessaire dans la salle d'eau. Heureusement nous avions André Rosset, notre doux géant, notre figure de proue.


 

Qu'ils étaient fous ces gars de 17 ans ! Le monde leur appartenait !


N.B. : Ces souvenirs datent, pour l'essentiel, de la saison 52-53. Je ne suis pas sûr que ce sport, pourtant « Royal », ait survécu longtemps au delà de cette période.

Jean-Louis ROCHE 2


Notes :

1- Si vous voulez savoir pourquoi et comment ce parquet était si bien astiqué, reportez vous à l'article "Galères"


2 - Jean-Louis Roche, dit "le Major", est actuellement le chef de choeur de la chorale "Nouvelles Légendes"

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1 février 2007 4 01 /02 /février /2007 11:40
Le STANI

par Robert Cheynel


C’était en cours de maths en première année d’E.N., dans la classe du fond de la cour, près du gymnase, au troisième trimestre, je me ramentois très bien. L’intempérie qui nous nouait un peu les estomacs et les boyaux les premiers mois, avant chaque entrée du prof de maths, tant sa renommée terrible agitait les cerveaux, avait fait place à plus ample sérénité. La classe donc ronronnait assez et c’est moi l’espiègle en algèbre (ne riez pas) celui dont la bosse des maths derrière le suquet, faisait lever haut le front en allant au tableau, c’est moi qui y fut appelé : « Schnel ! au tableau ! ». Je revois vos sourires gouailleurs bande de lâcheurs ! Mais rien de bien nouveau dans cet appel professoral qui sous son aspect guttural et blagueur cachait à mon encontre une sympathie certaine. Je m’aventurai donc sagement quoique toujours inquiété par la forte probabilité d’une note « crasseuse » qui tomberait sur ma bosse. Et le Stani écrivit sur le tableau noir une équation blanche, sans poésie aucune, avec pour seules fioritures multe parenthèses qui mirent entre parenthèses pendant quelques minutes l’efficacité de mon cerveau en agitation. Je ne pus donc résoudre l’énigme dont les matheux oxygénaient allègrement la grisaille de leurs neurones. Y avait-il seulement quelques compassions dans la classe ? Se peut pour ceux qui, aussi affriolés que moi de la chose mathématique, risquaient de me succéder devant le noir fronton. Mais ce n’est même pas sûr tellement vous savouriez le spectacle et vous le savourâtes encore bien plus pour la suite que je vais dire. Le Stani me voyant sec et muet devant ces hiéroglyphes si chattemitement réfléchis comme matou ayant tendu des rets infaillibles au petit rat, me crocheta la blouse grise sur mon épaule gauche et me fit tourner sur moi-même six ou sept fois en psalmodiant : « Un riche laboureur sentant sa mort prochaine, fit venir le Schnel au tableau pour résoudre l’équation du trésor mais il ne sut pas faire… » Et je ne résistai pas, faisant le petit manège qui tournait au rythme de la fable comme sot souriceau aux griffes du vieux chat, restant coï et le sourire jaune mais point trop gueule en groin puisque note il n’y eut point et que toute la classe s’esbouffait à gueule bec. Soudain le sympathique manège s’arrêta et le Stani donnant un coup de menton en avant comme cheval tirant sur le mors, me prit à témoin doucement : « Vous les voyez Schnel ! Ils rient. Ils se moquent de vous. Mais ils ne vont pas rire longtemps et c’est à votre tour ! Rejoignez votre place ! ». Ce changement brusque de situation aussi inattendu que coup de tonnerre cassa les rires net.

Et à peine avais-je posé mon cul sur ma chaise que je vis le Stani écarter les premières tables à force de bras et creuser une allée entre celles-ci, bousculées comme glaçons par l’étrave d’un brise-classe jusqu’au fond de la dite classe négociant même un virage pour pousser une pointe vers le radiateur où les bureaux plus serrés faisaient rempart pour camoufler les ensommeillés que je ne nommerai pas. Toute cette puissante gesticulation était étoffée par des commentaires savoureux que je gloutissais à mon tour, comme renard libéré dans un poulailler et poulets plumés vous fûtes à cet instant chers compains !… « Vous les voyez SCHNEL ! C’est à leur tour de trembler car ils sont là qui rient qui gloussent qui roupillent sans en mieux savoir que vous ! » Et ce fut un va et vient dans l’allée bigrement élargie avec, qui cy, qui là, une lourde ponctuation de l’euphorique déclamation par maintes têtes rudoyées et dont les fronts angéliques tout bombés encore de l’extase passée, allaient s’élargir sur le plat des bureaux. Je savourais la situation, je buvais du petit lait, je me rinçais la glotte comme chérubin au tétin de sa nourrice, j’osais rire tout seul tant la foudre ayant claqué m’avait épargné, miraculé que j’étais comme l’enfantelet qui se croit par le grand Dieu protégé. Quant à la parfin, Zeus s’arrêta dans son tonnerre délirant, la sonnerie en même temps mit un point d’orgue à ces ébats mathématiques. Et serviette sous le bras le Stani s’en alla d’un pas alerte et conquérant, laissant sur le champ de bataille, un imbroglio de tables en forme d’équation à plusieurs inconnues d’où jaillit toute la promo comme lait en casserole trop longuement chauffée au cul. Et la porte bomba ses vitres pour résister à la poussée des vingt et un normaliens de notre promo qui se ruèrent dans la cour pour aller savourer le quart d’heure de récré et d’aucuns s’apazimer aux volutes d’une cigarette si goulûment têtée.


 Ramentois : je me rappelle
Intempérie : maladie, colique
A gueule bec : à gorge déployée
Gueule en groin : maussade
S’esbouffer : rire
Gloutir : déguster, avaler




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21 janvier 2007 7 21 /01 /janvier /2007 21:00

à table !

 

Parmi mes souvenirs d’EN me restent quelques images du Réfectoire, grande salle bien éclairée et toute en longueur à laquelle nous accédions par cette porte tout de suite à gauche après le couloir en venant de la grande cour.

Les tables, nos « polygones de sustentation » en quelque sorte - pardon pour cette mauvaise blague - étaient octogonales, me semble-t-il, et donc faites pour huit.

J’ai l’impression d’avoir toujours occupé la même table pendant toutes mes années d’EN, non pas celle juste en face de la porte d’entrée, mais celle immédiatement à sa droite en entrant.

Comment étions-nous répartis à ces tables? Je n’en sais trop rien, mais j’ai l’impression qu’on ne mélangeait pas les différentes promotions.

A table, nous respections quelques règles où le couteau jouait un grand rôle. Je crois qu’à chaque repas on le faisait tourner pour déterminer qui se servirait le 1er (je n’en suis plus très sûr), mais surtout, lorsqu’il y avait du rab, c’était bien la lame de ce couteau qui désignait le (ou les) privilégié (s)!

 

Je ne me souviens pas d'y avoir mal mangé. Merci donc à notre Économe, Mr Gibbal, et au couple de cuisiniers, Mme et Mr Portal.

Monsieur Portal se prénommait Urbain, et son habitat nous a souvent fait rire, ou sourire (quel humour nous avions !).

 

Le couple avait deux filles, Nicole et Denise, toutes deux très appréciées des normaliens pour deux raisons principales :

1- toutes les deux étaient mignonnes à regarder, sympathiques, et ne laissaient pas indifférents les normaliens. (J’en connais au moins deux qui, le jeudi, à la récré de 10 heures, prétextaient une fringale pour se rendre à la cuisine. Ils s’y restauraient d’une tranche de pain arrosée d’huile d’olive et d’un filet de vinaigre, mais ils en profitaient pour faire un brin de causette aux demoiselles qui, ce jour là, n’avaient pas classe!)

2 - toutes les deux étaient collégiennes et elles acceptaient volontiers de transmettre les billets doux de tel ou tel normalien à sa dulcinée du collège.

Elles en ont transmis des petits mots!, dans un sens et dans l’autre, au nez, et j’allais dire « à la barbe » de Mme Broué, la Directrice!!!

 

 

 

Sandwiches au menu

 

 

Normaliens de 2e année (promo 1952-56) dans le réfectoire, un jour de grève du personnel .

 

Une année, il a été décidé de faire ou de refaire le sol du « gymnase » . C’est ainsi que, quelques jours avant une grande « décale », nous avons découvert, dressé au fond de la salle du réfectoire un énorme rouleau de « linoléum ».

L’ami Roland, qui ne « savait » aller se coucher le soir sans avoir fait exploser toute l’énergie qu’il avait en lui, empoigna ce rouleau à bras le corps, le souleva, et fit quelques tours de valse avec lui avant de le remettre à sa place!!!…..

Je crois me souvenir que ce rouleau pesait 186 kg (c’était écrit dessus!).

Sacré Roland !!!

Paul Vuillerme

 


Voir aussi, sur ce sujet l'article de Fernand BOURRET, "Subsistance" (REFECTOIRE 2)


 

 

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4 novembre 2006 6 04 /11 /novembre /2006 01:12
La contrebasse du Foyer

Après le repas du soir, nous avions accès au Foyer. Nous nous y retrouvions très souvent, sauf, bien sûr, quand le travail pour le lendemain n’était pas terminé. J'y ai appris à jouer à la «Belote coinchée», variante du jeu de belote totalement inconnue en Savoie! Je crois que c'était le jeu de cartes préféré de tous.
On y jouait aussi aux dames, aux échecs, et certains s’essayaient au bridge, (jeu encore peu pratiqué dans notre établissement à cette époque), tout en écoutant de la musique ou des chansons. En effet, il y avait, au foyer, un beau meuble avec radio, tourne-disque, et étagère pour ranger les disques. Les microsillons avaient commencé à remplacer les 78 tours.

Il y avait aussi une vieille contrebasse qui avait appartenu, disait-on, à Vincent d’Indy, le célèbre auteur de la «Symphonie Cévenole». C'était, paraît-il, le parrain de notre chère professeur de musique Madame Domézel, qui manifestait pour lui une véritable vénération. La Mère Dodo (c'est ainsi que nous l'appelions) disait toujours «Le Maître» lorsqu'elle évoquait le compositeur..

Ne connaissant rien, ou presque, à la musique, j’accordais à ma façon les quatre cordes de ce vénérable instrument et j’accompagnais, toujours à ma façon, les disques qu’on avait mis sur la platine : les Platters , Georges Brassens, et surtout, …Django Reinhardt (j’adorais ce disque, avec «Nuages», «Daphné», «Swing 41», «Swing 42». Ce fut ma première acquisition à ma sortie de l'EN, et je l’écoute encore de temps en temps).

 

Ecouter Nuages


Savez-vous ce que c’est que de jouer de la contrebasse tous les soirs pendant une heure ou deux, sans archet ? Il me venait des ampoules au bout de tous les doigts de la main droite (sauf le pouce), et même aux doigts de la main gauche!!!


Un jour, la Belle Équipe devait aller chanter, je crois que c‘était à St Laurent du Pape, Samedi et Dimanche.
Nous logions chez l'habitant le samedi soir (D‘aucuns s‘en souviennent sûrement!).
Nous devions non seulement donner deux concerts, un le samedi et un le dimanche, mais en plus animer le bal de la soirée.
D‘immenses affiches avaient annoncé : «Grand Bal avec l‘Orchestre de la Belle Équipe et ses 10 musiciens!» Or nous n’étions que 9 à la Belle Équipe ! Nous avions donc réquisitionné un normalien, piètre chanteur peut-être, mais excellent pianiste. Et comme, pour faire le compte, il fallait que tous les chanteurs jouent d’un instrument, j’ai dû tenir la contrebasse dans cet éphémère orchestre pour faire danser la population: Qu’eût dit d’Indy, dis donc?
Et comme cette contrebasse n’émettait plus guère de sons, j’avais l’impression de ne pas servir à grand-chose dans l’orchestre. C’est pourquoi je l’abandonnais de temps en temps pour aller danser. Mais les copains, jaloux sans doute, à chaque fois me rappelaient au micro dès la danse terminée !!!


Paul Vuillerme
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9 août 2006 3 09 /08 /août /2006 19:29
Madame Reynier, notre professeur de sciences naturelles, n'était pas parvenue, malgré ses efforts, à intéresser nos jeunes esprits de première année aux charmes de la botanique. Et pourtant ce n'était pas faute d'avoir fait défiler devant nos yeux éberlués quantité de plantes en nous les nommant de leur nom latin. Elle nous avait dit l'importance que revêtait la connaissance des végétaux pour les instituteurs ruraux que nous serions, elle nous avait vanté les joies de l'herborisation, mais ses propos nous laissaient indifférents. Ce manque d'enthousiasme la fit, un jour, changer radicalement de méthode : elle décida de forcer notre nature en nous imposant la confection d'un herbier que chacun devrait lui avoir remis avant le premier juin.

C'était dans six mois. Cela nous parut une date perdue dans les brumes d'un lointain avenir : nous aurions le temps d'y penser. Rien ne pressait ! Les semaines passèrent; elles passèrent si bien et si vite que nous nous retrouvâmes bientôt à l'avant veille de cette date fatidique, aussi dépourvus que la cigale de la fable. Chacun en eût des sueurs froides. Le soir, au dortoir, jusque bien avant dans la nuit, nous conjuguâmes nos désarrois et cherchâmes une solution qui puisse nous tirer de ce mauvais pas. Le sommeil allait avoir raison de nos angoisses quand le miracle se produisit. Une voix s'éleva dans les ténèbres : "Faisons comme si nous avions compris que nous devons produire un seul herbier pour toute la classe et non un par élève" Cette idée, jugée aussitôt géniale, fut saluée d'un concert d'approbations enthousiastes. Certes ce n'était pas la solution idéale mais c'était une solution. Justement le lendemain était jeudi: au lieu de faire l'Espla(1) nous consacrerions notre après-midi à herboriser et au cours de la nuit suivante nous fabriquerions l'herbier. Ainsi fut fait. Le surlendemain nous nous levâmes à 3 heures du matin et, comme aussi silencieux que des fantômes, nous descendîmes dans notre salle dont nous eûmes soin de tirer sans bruit les volets avant d'éclairer. A sept heures tout était fini. Nous pûmes tranquillement aller prendre le petit déjeuner et effectuer les corvées habituelles.

Restait le plus dur. Comment allait réagir la mère Reynier? La première heure était précisément celle de sciences naturelles. En qualité de chef de classe j'eus la charge de présenter notre œuvre à une mère Reynier lucide qui se souvenait parfaitement de ce qu'elle nous avait demandé. Puissamment appuyé par les protestations de bonne foi de mes condisciples j'eus l'effronterie de soutenir avec un aplomb dont je ne me serais pas cru capable qu'elle ne nous avait jamais demandé de faire un herbier par élève mais bien un herbier pour toute la classe. Elle finit par céder, écoeurée sans doute par tant de mauvaise foi mais peut-être aussi soulagée de n'avoir à corriger qu'un herbier au lieu de treize. Méritions-nous qu'elle nous consacre du temps?

Elle nous attribua une note collective de 8 sur 20. Et certes notre travail, passablement bâclé -comme on peut l'imaginer-, ne méritait pas plus.

Robert Géal (2) (Le joyeux équipage, 52-56)

 1- L'Espla = L'Esplanade. Nom de l'avenue principale de Privas et lieu de promenade très apprécié par les Normaliens et Normaliennes

2 - Robert Géal alias Robert Jail, a publié le roman Tibé, le roi des airelles à la Fontaine de Siloé

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