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16 janvier 2007 2 16 /01 /janvier /2007 11:18

Si l'on me demandait ce que m'ont apporté de durable mes quatre années d'E.N. je répondrais sans hésiter : des chansons, beaucoup de chansons. Non que j'aie fait partie des belles voix ou des musiciens, mais on baignait dans une telle atmosphère de chansons qu'elle pénétrait et transformait les moins réceptifs.

- Vous aviez donc le loisir d'écouter les chansons diffusées par vos télés, vos radios, vos baladeurs. . . ?

- Oh que non ! La télé en était à ses balbutiements ; une unique radio, sous forme d'un vieux poste de T.S.F., trônait dans un coin du foyer ; quant aux lecteurs de musique, s'ils existaient, ils n'étaient pas parvenus jusqu'à nous. C'était donc sans l'entremise d'une quelconque technique que nous entendions des chansons, des chansons naturelles en quelque sorte, produites par les cordes vocales de tel d'entre nous. Une voix entonnait ; s'y ajoutait une autre voix, puis une autre, puis une autre.. . . T'en souviens-tu ? Entends-tu encore les voix s'allumer l'une à l'autre comme, en été, les feux de la Saint-Jean de colline en colline ? Ecoute-les se chercher, se rejoindre, s'accompagner ; écoute-les tantôt se fondre et tantôt se disjoindre pour jouer leur partie. C'est d'abord un chœur fluet, mais, bien vite, avec le renfort de quelques copains de la Belle Equipe qui se trouvent dans les parages, ça prend de l'ampleur, ça devient un véritable chœur. Alors tu te sens happé, tu sautes dans le train en marche et tu te mets toi-même à chanter, tout naturellement, car à force de les entendre et de les chanter nous connaissions beaucoup de chansons, beaucoup de belles chansons. Il est vrai que nous avions la chance de disposer d'un répertoire d'une exceptionnelle qualité avec Brassens, Brel, Ferré, Aznavour, Piaf, Mouloudji et d'autres, sans oublier celui des frères Jacques et des Compagnons de la Chanson où puisait parfois notre Belle Equipe. Il est vrai aussi que c'était une époque où l'on chantait et où l'on aimait chanter : on chantait dans les maisons, dans les rues, sur les chemins, dans les champs, dans les chantiers. . .Qui chante aujourd'hui ? qui sait encore siffler des airs de chansons ? Même les oiseaux étaient alors plus nombreux à chanter.

Nous, nous chantions dès le matin, d'abord dans les lavabos, en nous débarbouillant et en nous rasant, puis en effectuant nos corvées ; nous chantions le samedi après midi sous la douche. Toute la semaine, la penderie, les escaliers, les couloirs et les galeries résonnaient de nos chansons. Et je ne parle pas des chants improvisés dans telle ou telle salle à l'occasion d'une récréation ou d'un interclasse, ni des répétitions régulières de la Belle Equipe dont nous parvenaient les échos contagieux.


Ces chansons m'ont accompagné, embellissant ma vie à égalité avec les quelques poèmes que j'ai réussi à emmagaziner. Elles sont là, en moi, à ma disposition. Dans les circonstances les plus diverses je me surprends à les fredonner ou bien seulement j'entends leurs paroles et leur musique, toujours avec le même plaisir et la même bouffée de souvenirs heureux. Je forme le souhait qu'elles m'habitent jusqu'à mon dernier souffle tant leur compagnie m'est devenue indispensable, et je pense avec émotion à notre copain de promo, parti prématurément, qui voulut qu'en son viatique soit incluse l'une de nos chansons : à la fin de la cérémonie, la voix de Brassens s'éleva sous les voûtes de l'Eglise, comme en manière de couronnement :


 
 
 
 

Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
Tandis que des enfants s'amusent au parterre
Et par l'oiseau blessé qui ne sait pas comment,
Son aile tout à coup s'ensanglante et descend
Par la soif et la faim et le délire ardent
Je vous salue, Marie .

 



Robert Géal, alias Robert Jail 

"Le joyeux équipage" Promo 52-56

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