« LA BELLE EQUIPE » : c’est le titre d’un film de Julien Duvivier tourné avant la guerre mais c’est aussi le nom qu’adopta un groupe de normaliens et de lycéens qui, en 1942-43, décida de chanter et de faire du théâtre pour échapper à la morosité et aux contraintes de la vie en internat : LA BELLE EQUIPE des normaliens allait naître.
En septembre 1940 le régime de Vichy supprime les Ecoles normales : les normaliens ardéchois seront désormais scolarisés au Lycée de Tournon pour y préparer le baccalauréat avant d’effectuer leur année de formation professionnelle à Valence.
En novembre 1942 les soldats allemands qui viennent d’envahir la zone sud, s’installent également au Lycée de Tournon où ils vont cohabiter avec les élèves. Pour les normaliens, comme pour les lycéens internes, la vie est difficile et, le jeudi, la seule distraction autorisée consiste en une promenade en rangs sous la surveillance des pions. « Alors, raconte Maurice Roque, normalien de la promotion 41-45, lorsque Fournières, un lycéen,propose la création d’un groupe de scouts laïques il est suivi par quelques normaliens et la troupe peut sortir librement le jeudi pour se réunir dans un local mis à sa disposition par… le curé de Tournon.On commence par jouer aux cartes puis l’idée vient à certains de chanter et de faire un peu de théâtre : nous répétons des chansons du répertoire folklorique, des sketches en patois et une pièce de théâtre et, en nous inspirant du titre du film de Julien Duvivier, nous baptisons le groupe « LA BELLE EQUIPE ». Gagnaire, responsable à Tournon des groupes de jeunes, nous demande alors d’aller donner quelques représentations dans les villages environnants au profit des prisonniers de guerre. »
Les premiers spectacles de LA BELLE EQUIPE auront lieu au printemps 1943 à Etables, Sécheras, Lemps, Eclassan, dans des cours d’école, des greniers à foin, des salles paroissiales. Les sketches en patois interprétés par trois normaliens, Dubois, Laverdure et André Griffon, rencontrent un vif succès.
La Belle Equipe à ses débuts - Année scolaire 1942-43
En ce printemps 43 la route de la BELLE EQUIPE croise celle d’un autre groupe de jeunes venus de Lyon pour se réfugier près de Tournon et qui, toujours à l’initiative de Gagnaire, va donner quelques spectacles dans la région : il s’agit des COMPAGNONS DE LA MUSIQUE qui, quelques années plus tard deviendront les COMPAGNONS DE LA CHANSON.
Au cours de l’année scolaire 45-46 LA BELLE EQUIPE commence à être connue et elle se produit à Tournon, à Tain, à Montélimar et surtout, le 21 décembre 1945, lors de la fête organisée à Privas à l’occasion de la réouverture des Ecoles normales. A la rentrée 1946 tous les normaliens retrouvent leur Ecole normale et le groupe se sépare des lycéens restés à Tournon.
La formation se renouvelle chaque année : les anciens quittant l’Ecole normale sont immédiatement remplacés par les normaliens entrant en première année.
Jusqu’à sa disparition en 1968 la BELLE EQUIPE se produira au cours des arbres de Noël de Comités d’entreprises, lors des festivals U.F.O.L.E.A., pour la fête annuelle des Ecoles normales et surtout, en fin d’année scolaire, dans les fêtes des écoles publiques des villes et des villages ardéchois. A Aubenas, à Saint-Michel de Chabrillanoux, à Lamastre, à Prades… elle apporte avec elle la présence de l’Ecole normale où, pendant 4 années d’étude, se forgeait un esprit d’instituteurs militants dévoués à la cause de l’Ecole laïque.
Son répertoire était composé de chants mimés avec l’éternelle Perrine était servante qui fut interprétée, avec toujours le même succès, pendant 25 ans, des chœurs et quelques créations originales comme les pots-pourris de chansons de marins et de chansons enfantines. Au cours des dernières années le groupe, accompagné à la guitare par l’un de ses membres, mit à son programme des chansons de Bécaud, Joe Dassin, Hugues Aufray, Félix Leclerc…
Quelques représentations exceptionnelles sont restées dans la mémoire des participants. Jacques Ozil se souvenait d’un gala donné à Valence en 1946 : « les collégiens de cette ville voulant lancer un journal la Drôme étudiante, organisèrent une soirée au cinéma le Provence avec la projection en grande première du film Les voyages de Gulliver. Devant une salle pleine à craquer LA BELLE EQUIPE assura, avec un orchestre de Valence, la première partie du spectacle : une consécration ! »
Le 31 mai 1964 au théâtre de l’Odéon à Privas LA BELLE EQUIPE passa en première partie du tour de chant de Jean Ferrat et, en 1967, radio Lyon vint à Privas enregistrer 3 chansons qui furent diffusées sur les ondes de cette station.
LA BELLE EQUIPE se joignait parfois à la CANTORIETTA, chorale du Collège Moderne de Jeunes filles de Privas, pour constituer, sous la direction de Madame Broué, un chœur mixte qui, par exemple, se produisit en 1959 sur le perron de l’hôtel de ville de Privas à l’occasion du jumelage de cette ville avec la ville allemande de Weilburg.
En cliquant sur la petite flèche verte ci-dessous vous pourrez les entendre chanter "Les filles de La Rochelle".
La presse locale rendait souvent hommage à ces Compagnons qui, le printemps venu, s’en allaient en tournée à travers le département. A Montpezat-Champagne, le Dauphiné Libéré écrit en 1953 : « ces Compagnons demeurent égaux à eux-mêmes, tels que nous avions apprécié leurs devanciers dans un E.N. qui nous est chère. Ils se sont déjà classés dans l’élite des groupes artistiques. Par leurs chants mimés… par leurs sketches musicaux ils se sont acquis la sympathie et la gratitude du public qui les a applaudis avec tant de ferveur. Leur dynamisme et leur simplicité ont gagné le cœur de l’assistance . »
Et s’il fallait une conclusion à cet article, empruntons la à ENVOL qui, en 1960, disait à propos de LA BELLE EQUIPE : « malgré les remaniements perpétuels et inévitables, il ne convient plus de faire l’éloge de cet ensemble plein de jeunesse et de dynamisme qui obtient toujours, devant les publics les plus divers, un accueil enthousiaste et bien mérité. »
Fernand BOURRET, membre de LA BELLE EQUIPE de 1956 à 1960 . (Article paru dans ENVOL, le journal de la F.O.L. de l’Ardèche, en mars 2003)
