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12 décembre 2006 2 12 /12 /décembre /2006 20:55

A notre entrée à l'Ecole Normale en 1952,  le microsillon était une invention toute récente et,  parmi nous, rares étaient ceux qui en avaient entendu parler...
Si le poste de radio (appelé aussi TSF)  avait pénétré la plupart des foyers français, le phono était encore considéré comme un équipement de luxe. Je me demande combien d'entre nous avaient chez eux un de ces appareils.  Bien sûr on savait ce que c'était, on avait eu l'occasion d'en voir, d'en entendre, mais dans la grande majorité des familles il y avait bien d'autres choses plus utiles à acheter...

Pour les mêmes raisons l'objet ne faisait pas encore partie de l'équipement des écoles publiques, mais certains enseignants pensaient qu'il avait un rôle à jouer.

Mademoiselle Mourier, notre professeur d'anglais au Cours Complémentaire de La Voulte, avait probablement consacré plus d'un mois de salaire pour acheter un phonographe portatif. Elle arrivait parfois en classe avec son appareil, en tout point semblable à celui représenté sur la gravure ci-contre. Après avoir ouvert la valise elle prenait dans une petite boîte métallique une aiguille qu'elle fixait à la tête de lecture. Ensuite elle sortait d'une poche située au fond du couvercle un disque qu'elle posait sur le plateau avec beaucoup de précaution.  Elle tournait longuement la manivelle pour remonter le ressort de la mécanique, enfin elle actionnait un petit levier pour libérer le plateau et posait délicatement la tête de lecture sur le disque.

Sortaient alors de la boîte des mots ou des phrases  que nous étions invités à répéter collectivement... Pas question d'interrompre pour reprendre un passage. Le disque était beaucoup trop fragile pour supporter ce genre de manipulation.

 

Je me souviens de mon étonnement lorsque deux ou trois ans plus tard, à l'Ecole Normale, le directeur arriva dans la salle avec une petite valise noire. C'était nous dit-il un électrophone. Je crois bien que c'était la première fois que j'entendais ce mot. Il ouvrit le couvercle qui se dégondait et intégrait un haut parleur. La platine ressemblait à celle d'un phono, mais le bras était mince et la tête curieusement petite. Notre surprise fut encore plus grande lorsqu'il sortit  de sa pochette un disque de taille classique, qu'il nous présenta en énumérant des caractéristiques étonnantes:  Il était en matière plastique incassable, ce qui était parfaitement concevable, mais nous eûmes beaucoup plus de mal à croire que chaque face contenait vingt minutes de musique enregistrée au lieu de deux ou trois pour un disque ordinaire. Cela s'appelait un microsillon, et le lecteur tournait à 33 tours à la minute au lieu de 78!

Quand enfin le directeur mit l'appareil en marche je ne sais dire ce qui nous fascina le plus, de la prouesse technique ou de la musique qui nous paraissait d'une qualité extraordinaire tant elle était supérieure à tout ce que nous avions pu entendre en matière de reproduction. C'était, je crois, la suite Peer Gynt d'Edvard GriegJe n'en suis pas absolument sûr, pourtant lorsque j'entends cette musique elle évoque toujours cette journée qui marque pour nous le début de l'ère du microsillon.

Gilbert Sagnard

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